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09 janvier 2010

Nom d’un Friedrich !

 

Sauf les filles, à qui l’on a concédé le prénom de Charlotte, ils s’appellent tous Friedrich. Même un peintre romantique et esseulé n’y échappe pas. Caspar David a néanmoins échappé au numérotage, privilège des rois. Enfin, je suppose, car je ne connais rien à l’histoire de l’Allemagne, hormis la période à laquelle elle a eu quelques démêlés avec la France. Les grands méchants d’ici sont la gloire de là-bas, on a pu le vérifier à plusieurs reprises en changeant à la station Bismarck.

La culture est heureusement un peu moins chauvine que l’histoire et l’on reconnaît sans problème quelques grandes figures, au premier rang desquelles, Kant, évidemment, dont on trouve la Critique de la raison pure à la gare, dans une édition bon marché type Librio. Tout à fait une lecture de RER. Kant est tellement populaire qu’il a même un centre commercial à son nom. Je regrette de ne pas l’avoir pris en photo, c’était tellement grand. En revanche, je n’ai pas renâclé à ôter mes gants pour prendre le panneau de la Kantstrasse juste devant des affiches de nanars.

 

 

Et le Einstein café, où le seul problème (de) physique que l’on rencontre est de trouver une place où poser son corps congelé.



 

Pas encore transformé en franchise mais Starbucks dans l’âme, on trouve également le Balzac café qui en proclamant son amour des belles lettres soigne son image de marc.

 

 

J’imaginerais bien un bistrot Balzac où des descriptions à rallonge, très alléchantes, remplaceraient avantageusement la composition des plats. Et un restaurant surréaliste aux menus poétiques.

 

 

Trêve de ces essais de néo-disney, pour le moment, il faudra nous contenter des gâteaux Leibniz, les Zanimos locaux.

 

 

 

Après en avoir bouffé pendant un an, on en donc la confirmation, le philosophe est comestible. Cette marque était un signe ; nous avons en effet vérifié la théorie de l’harmonie universelle préétablie à travers l’expérience du clair-obscur : le premier janvier, journée de la lose (il faut démarrer l’année d’un bon pied, en se rappelant qu’il n’y a rien de nouveau) où la carte magnétique de l’hôtel ne fonctionnait pas et nous a obligé pendant vingt minutes à moult allers et retours entre la réception (Zimmer fünf hundert sieben und vierzig, vous n’imaginez pas l’effort que ça me demande) et la chambre (es klappt nicht), où l’on n’a pas trouvé LE Einstein café (ce que en soi n’aurait pas été très grave si je n’avais pas erré à sa recherche en compagnie de ma valise impossible à rouler dans la farine neige – Palpatine, se rappelant que la valise contenait son mini-PC, a tenté une offre galante, mais il avançait encore moins vite que moi) parce qu’on s’était réveillé trop tard pour petit-déjeuner (ah non, je confonds, c’était un autre jour) et où il nous a fallu huit stations de métro pour nous apercevoir qu’on allait dans le mauvais sens (*boulet power* - fin du premier janvier) a été compensé par le second, où les trains ne nous filaient pas juste sous le nez et où le wifi retrouvé a délivré la bonne nouvelle que portait une balletomane :

Karl Paquette a été nommé étoile ! C’est à faire sa Giselle, je t’aime un peu, beaucoup… Tout près des pâquerettes, au ras des étoiles. Vous trouvez que je vire fleur bleue ? Très bien. Alors : à table ! La prochaine fois que le Boléro est donné, je le veux sur la table, pas devant. On va se régaler !


Virez-moi ce rabat-joie de philosophe français, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La mercantilisation de grands penseurs ? On revient aux origines, pardi : la culture se cultive, ça pousse, et on en mange à toutes les sauces.

 

10 décembre 2009

Sur les rails (de quoi, ça reste à voir - ou à fumer)

"Ce train est arrêté en direction de Saint-Quentin en Yvelines."

Je ne sais pas si la littérature commence par une distorsion du langage, mais, assurément, toute distorsion n'est pas littéraire, la sncf est là pour nous le rappeler. L'arrêt vers une destination... il faut croire que le train est planté là comme une stèle musulmane orientée vers la Mecque. Enfin, on a de la chance, on peut en conclure que le train est sur les rails, et dans le bon sens (celui dont manque parfois le personnel).

Cela m'a rappelé l'annonce d'un retard du à "la présence de personne dans les voies". Incrustées en mosaïque dans les rails, les restes d'un "accident de personne" ? Non, non, une manifestation ou quelque zigoto dans le passage. Circulez, y'a rien à voir.

18 octobre 2009

FACéties

Il n’y a pas que les discours de Jaurès que l’on reconnaisse à ce que les verbes sont au futur. Ceux de la fac aussi.

Jour de la rentrée, mi-octobre : « guettez » les horaires des cours d’anglais, ils seront affichés « prochainement ». Il aura fallu quatre allers et retours entre l’UFR d’anglais rue de l’Ecole de médecine et celle de lettres modernes à Censier pour obtenir un cours. Ceux affichés à Censier n’existaient pas une fois arrivé à l’UFR d’anglais. Mais j’ai. Toujours pas de salle ni de prof, mais un cours.

Les non-khûbes m’avaient évidemment donné un aperçu du bordel administratif ; du coup, j’ai été presque rassurée de monter et descendre les quatre étages qui mènent au secrétariat du M1 de lettres modernes (et dire que j’étais heureuse d’en finir avec les escaliers de La Bruyère… voilà que je me retrouve avec des double étages), comme si je me rachetais d’avoir échappé à ma peine en zappant la troisième année de licence. A voir certains élèves, je ne serais pas si empotée que j’aurais cru ; j’ai presque du mal à garder mon sérieux quand on se fait hurler dessus par la secrétaire, assez fort pour que tout le couloir se retourne. C’est encore assez nouveau pour me faire rire.

Plus étrange encore, je pourrais presque être sociable. D’avoir retrouvé M. m’empêche de faire mon autiste. Réunion de rentrée :

« -Mais qu’est-ce que tu fous là ?

-Non, mais, qu’est-ce que toi, tu fous là ? »

On s’est accrochées l’une à l’autre, et on a joué les Teletubbies à la fac – que je t’échange mon repérage de toilettes propres au quatrième étages contre la découverte d’escaliers dans les barres du H que forme le bâtiment (en vérité ce serait plutôt un |----------| ). Parce qu’il y a un truc formidable avec Paris III. Le bâtiment est un gros blocos moche, gris, laid, mais je l’adore : les numéros des salles ont beau n’être pas rangés dans l’ordre, une fois au bon étage, il suffit de le parcourir de long en large pour finir par tomber sur la salle que l’on cherche – pas d’entresols comme à Paris IV, ou d’escalier E introuvable entre le D et le F. Pas de labyrinthes à la Harry Potter, même si on aimerait bien une salle sur demande (70 dans une salle pour à peine 40, même debout, tout le monde ne rentrait pas – cours annulé, on revient au deuxième semestre) et un retourneur de temps (pourquoi tous les cours biens sont concentrés le jeudi matin ?).

Je n’ai cependant pas à me plaindre, j’ai réussi à me concocter un emploi du temps qui fait tenir mes dix heures de cours hebdomadaires (« la présence horaire est assez lourde », dixit ma directrice de recherche – on préférera penser que c’est relativement au temps de recherche que prend le mémoire) en presque deux jours, les deux heures d’anglais ayant été exilées le mardi soir.

Une digression m’a emportée. J’en étais à me surprendre à être presque sociable, me retrouvant je ne sais comment en conversation avec des premières années de licence de lettres modernes au RU ou à me faire confirmer que mon voisin de gauche est bien un khâgneux – ça se sentait à dix lieues à la ronde : pas encore assez désinvolte ou blasé, consciencieux à la limite de la légère névrose. Son sujet de mémoire est sur le vers chez Vigny. Mais deux ex-khâgneux, c’est un peu comme des anciens combattants : on a pu râler de concert depuis le secrétariat jusqu’à la bouche de métro.

Avec d’autres, les mots échangés ont été plus furtifs. Après avoir quitté une Erasmus devant l’UFR d’anglais, M. regrette : « On ne lui a même pas demandé son nom ». Justement, c’est parfait comme ça : quelques paroles complices échangées sur le vif, sans la contrainte parfois hypocrite ou simplement conventionnelle de demander un nom que l’on aura probablement oublié deux jours plus tard, et d’une personne que l’on ne cherchera pas spécialement à revoir et que l’on ne croisera peut-être même plus.

Finalement, ce n’est pas tant l’administration non administrée qui me dérange le plus, mais les cours qui me semblent très théoriques (à côté la prépa, c’est du concret) et hyper spécialisés. Je me suis clairement demandé ce que je fichais là le premier jour.

Séminaire sur le songe à la Renaissance : on nous distribue un texte en police 5 (je ne suis pas devenue myope pour rien), en ancien français (on devrait pouvoir s’en sortir, même si l’on n’en n’a pas particulièrement fait) en GOTHIQUE ! Ancien français en petite police ou français moderne en gothique, cela aurait pu aller, mais là… disons que je lis trois mots sur dix et que cela me demande une telle concentration qu’au bout de six lignes j’ai oublié ce que j’ai déchiffré au début. Lorsque la prof en faisant la distribution des polys a prévenu que c’était en gothique, une fille très droite a déclaré que « cela a son charme », avec des pleins et des déliés dans la voix : j’ai eu comme une envie de la matraquer à coup de gargouille.

Encore, c’est de la littérature. Imaginez-moi en phonétique, moi qui ne fais pas de différence orale entre « brin » et « brun », et pour qui les dictées de mots accentués étaient une hantise – « é », « è », « ai », même combat. La linguistique semble avoir un effet démoralisant intrinsèque. M. en sortant de son cours de didactique : « J’ai besoin d’un thé, là ». Comprendre un thé à la menthe à la mosquée de Paris, juste derrière la fac. Sous-entendre, bien évidemment, les pâtisseries qui vont avec. Je les aurai toutes testées à la fin de l’année (scolaire, pas civile).

Entre cela, la boulangerie qui fait du flan pas hors de prix et du pudding bien masse, et le magasin de chaussettes et collants fantaisies en face du métro, c’est « le pied » (le nom de la boutique), je me sens chez moi. Heureusement qu’on nous perche au quatrième étage en fin de compte. D’autant plus qu’on a testé avec A. un salon de thé rue de l’école de médecine (ça a du bon les allers et retours), avec chocolat viennois bien cacaoté et couche conséquente d’épaisse crème fouettée, et divin Apfelstrudel (je suis sûre que la cannelle est une drogue), je ne vous dis que ça… (mais vous en dirai certainement plus prochainement, surtout sur le sablé aux noisettes).

C’était la faculté d’engloutir et d’adaptation.

30 septembre 2009

Cuisse hard !

La quête ardue de la cuissarde. Bientôt à vos trousses.

[Post à haute teneur en bas babillage de fillasse, fortement déconseillé à toute personne masculine, a fortiori ayant dépassé la vingtaine]

Je veux des cuissardes !

Combien de fois Melendili m’a entendu poussé ce cri du cœur / souhait / rêve le plus fou / regret me mettant la mort dans l’âme (qui, comme chacun sait depuis Cendrillon, réside dans le pied, auquel il convient de trouver une chaussure adéquate). Elle est restée stoïque pendant trois ans, mais la mode ayant tournée (mieux que du lait caillé, fort heureusement), elle a décrété cette année dead-line ; sous-entendu, si je n’en trouve pas cette année, c’est que je suis une emmerdeuse patentée –reste à prouver que l’infirmation de la conditionnelle entraîne directement celle de la qualification, ce qui serait assez peu scientifique, ne nous souvenons pas de notre Karl Hempel.

Tout d’abord, laissez-moi vous présenter le modèle de mes rêves, qui n’existe nulle part sauf peut-être chez Hermès, mais alors le prix à quatre chiffres fait aussitôt basculer le modèle dans la non-existence ; un pur potentiel pas même possible. L’Idée kantienne de la cuissarde : noire, en nubuck ou en tissu, à talon carré, stable, d’environ 5 ou 6 centimètres, qui arrive dix bons centimètres au-dessus du genou et épouse la galbe de la jambe. On dirait une pub Extrême, mais version chaussures, je sais, inutile de me le rappeler.

Mais l’Idée kantienne, même de la cuissarde, n’est qu’un simple horizon sur lequel articuler ses recherches. Trouver un phénomène approchant est une autre paire de godasses. Et chaque écart de l’original perdu dans les replis de l’origine recèle une complication.

Noir. Les autres couleurs seraient difficiles à assortir à mes minijupes.

Nubuck. Le principal écueil, c’est le cuir noir brillant qui, dans le meilleur des cas, vous fait ressembler à une dompteuse de tigre, et plus probablement à Pretty Woman (pas à Julia Roberts, malheureusement, seulement à la caricature de la « professionnelle » - j’ai mis deux cents ans à comprendre quelles étaient les « professionnelles » auquel un magazine féminin retiré l’exclusivité des cuissardes ; c’est dire que je suis à mille lieues de craindre une association dans l’esprit des gens).

Talon carré, stable. L’aiguille est à proscrire pour la raison mentionnée ci-dessus. La prostituée toxico, décidemment, ça ne le fait pas. Puis si l’objet est trop suggestif pour certains, il faut encore pouvoir courir. De même s’il ne l’est pas du tout pour d’autres ; le conducteur du RER, malheureusement insensible au charme de la chaussure, ne vous attendra pas sous prétexte que vous avez mis un quart d’heure à les enfiler.

Talon de 5 ou 6 centimètres. Plus haut, cela nuirait au confort, et il ne faut pas se leurrer, la cuissarde est un rêve de frileuse qui va pouvoir avoir bien chaud aux jambes, même quand ses grandes chaussettes rayées sont toutes au sale, même en minijupe, même en plein hiver. Plus bas, vous avez l’air de sortir du cours d’équitation, ou pire, du chalutier. Faire les essayages avec un pantacourt jaune orangé de danse est le meilleur moyen de sonder le potentiel de botte de pêcheur qui sommeille dans la cuissarde – ça a tôt fait de virer au ciré. Et roulé en mini-short boudin sous un T-shirt informe, c’est tellement sexy.

Dix centimètres au-dessus du genou. Quand vous êtes grande, la cuissarde a la ridicule tendance de se transformer en botte bâtarde, qui s’arrête à mi-genou.

Epouse le galbe de la jambe (je pense me reconvertir dans la pub pour collants) Cela va avec la mise à l’écart de la démarche cavalière et pécheresse. Empêche que vous ne mutiez en clown ou cow-boy. Elimine les pompons, les clous, les boucles et autres effets plissés indésirables. Fait une belle jambe.


A toutes ces difficultés d’ordre stylistique s’an ajoutent d’autres, pratiques.

Le prix. J’ai pu croiser l’idéal incarné dans une vitrine italienne, mais les deux zéros derrière le 6 ont eu l’effet de balles qui ont descendu l’idéal, grimpé trop haut.

La chaussure. C’est idiot, mais tout ce tissu pourrait nous faire oublier que la cuissarde n’est pas un vêtement et que par conséquent des impératifs de largeur et de cambrure sont à respecter – et il n’y a bien que là que j’ai trop de coup de pied.

Comme dans toute quête se profilent des (més)aventures. Faire les essayages en pantacourt est comme nous l’avons vu fort peu dans le ton (davantage dans le thon, en revanche) ; la jupe, qui l’est bien plus, a cependant l’inconvénient d’être un peu courte pour pouvoir se pencher et se démener convenablement pour enfoncer son pied dans les entrailles de la bête. Et ne parlons pas de les retirer lorsque le modèle ne convient pas : il faut prolonger la barre en terre par des étirements en quatrième devant si l’on ne veut pas faire sa Médusa (5’58). On va donc de déconvenue en déconvenue. Parfois, le Graal semble à porter de pied : chez Cosmo, de magnifiques cuissardes chaussettes qui n’arrivent pas dix centimètres au-dessus du genou, mais carrément à dix centimètres des hanches. Mais vous pouvez shooter dedans, ce Graal n’était évidemment qu’une réplique destinée à vous leurrer amèrement : en chaussant du 41, il faudrait avoir des cuisses comme des poteaux pour que ça ne vienne pas tire-bouchonner aux genoux. Ou utiliser des porte-jarretelles, mais là, rien ne sert de tant se fatiguer, autant prendre tout de suite des cuissardes vernies noir à talons aiguille et les assortir avec une jupe ceinture.

Et alors vous n’y croyez plus, vous trouvez. Pas très hautes au-dessus du genou, ni vraiment moulantes, mais des cuissardes faciles à enfiler, confortables, pas vulgaires, qui vous plaisent et qui sont dans vos moyens. Vous m’étonnez après ces rocambolesques aventures moyenâgeuses qu’il y ait des filles qui croient au prince charmant.